La tradition de la Pentecôte au village de La Croix-sur-Roudoule a traversé le temps et persiste de nos jours. Jadis les deux plus jeunes couples de l'année collectaient auprès de la population le blé qui servait à pétrir les fougasses et le pain. Les fougasses après avoir été bénies étaient distribuées pendant la messe en portions aux fidèles à la communion.
Parallèlement « les Novis » de l'année fournissaient les éléments nécessaires à la confection d'une soupe, faite de haricots, de riz et d'huile d'olive. Cette soupe cuite dans un chaudron de cuivre donnait lieu à tout un cérémonial qui conduisait la population en procession au « Saint-Esprit » où avait lieu la bénédiction des pains et de la soupe avant qu’ils soient distribués à l'assistance. Après les vêpres dans l'après-midi les mariés cherchaient les successeurs pour l'année suivante.
De nos jours, le village de La Croix-sur-Roudoule perpétue cette tradition. Pendant les festivités, le four communal est allumé et toutes les cuisinières profitent de l'occasion pour préparer viandes, farcis, pissaladières, pizzas, tartes à la confiture, tartes au miel et aux noix, tourtes de blettes…
Voici la description qui paraît dans le Volume 2 de Le folklore français d’Arnold Van Gennep (1949)
« De temps immémorial au village de La Croix, qui blanchit en amphithéâtre sur un contrefort escarpé de la montagne à l’arrière de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes), la population participe à un past (repas) commun le jour de la Pentecôte, fête patronale de la localité. Ce repas est préparé par les deux plus jeunes ménages de la commune ; les deux maris sont pour la circonstance nommés prieurs. Dès le printemps, les deux jeunes ménages quêtent du blé de maison en maison ; chaque famille leur en offre une quantité proportionnelle au nombre de ses membres. La veille de la Pentecôte, ils font plusieurs fournées de pain. L’église paroissiale est surmontée d’un étage composé d’une cuisine et d’une vaste salle appelée le Saint-Esprit, à laquelle on accède de plain-pied par la ruelle supérieure. C’est dans cette cuisine que le matin de la Pentecôte les deux ménages préparent dans deux énormes chaudrons de 150 litres chacun la Soupe du Saint-Esprit, dite aussi Soupe aux haricots, parce que ces légumes y tiennent une place prépondérante. Après la grande messe, la population parcourt en procession et musique en tête les rues du village et se rend à la salle du Saint-Esprit. Le clergé y bénit les pains et la soupe. Puis c’est le défilé pittoresque des ménagères venant, avec leur panier et leur soupière, recevoir des mains des prieurs leur part de pain et de soupe qu’elles portent sur la table familiale. On donne un pain d’environ une livre par personne. Dans la salle, une longue table est dressée où prennent leur repas le clergé, les autorités et leur famille, repas dont la Soupe du Saint-Esprit est l’un des éléments. Autrefois, il en était ainsi pour toute la population et les nombreux amis accourus des environs. La charge de préparer la Soupe du Saint-Esprit échut en 1937 aux ménages Cagnol et Maurin du hameau de Villars » (Van Gennep, 1949 : 1423-1424)