Faux-Pénitents de Puget-Théniers, Carêmentrans. Cliché : Thomassin, Philippe, Roudoule, écomusée en terre gavotte
Faux-Pénitents de Puget-Théniers, Carêmentrans. Cliché : Thomassin, Philippe, Roudoule, écomusée en terre gavotte

Faux-Pénitents de Puget-Théniers



Type de patrimoine :
patrimoines immatériels ; patrimoines festifs
Nom français :
Faux-Pénitents de Puget-Théniers
Nom vernaculaire :
Carêmentrans
Description :

Mercredi des Cendres, dans le village de Puget-Théniers, le carnaval s’est achevé la veille, au soir de Mardi Gras. En ce premier jour de Carême, la tradition catholique veut que plus aucune festivité n’ait lieu. Toutefois, un groupement d’hommes vêtus d’un drap et d’un capuchon blanc, le visage enfariné et portant un cierge entre les mains, défile à travers les rues du village. Les Carêmentrans ou faux-Pénitents procèdent en file indienne tandis que chaque individu tourne sur soi-même, une fois en suivant le sens des aiguilles d’une montre puis inversement, au rythme d’un air traditionnel dénommé « Badoise ». Personnages clés de la mascarade sont l’« Evêque » et le « Sonneur ». Le premier, vêtu des habits religieux et muni de crosse et de mitre, bénit et asperge les spectateurs tandis que le second scande la procession au son d’une clochette à la manière du « Crieur des morts » des vrais Pénitents. Mais lui n’annonce pas d’autre mort que celle de carnaval, inhumé la veille.

Lors de la procession, le groupe marque des arrêts. Faux-Pénitents et Sonneurs s’agenouillent alors autour de l’Evêque qui, demeurant debout, continue d’administrer des bénédictions et d’asperger l’assistance sur l’air, cette fois-ci, de « Frère Jacques ». Ce schéma est réitéré indéfiniment pendant environ une heure, puis la procession s’arrête devant la fontaine du village. L’évêque asperge les spectateurs avec l’eau de la fontaine afin que tous puissent s’assurer de sa propreté, geste qui semble évoquer les tribulations anciennement vécues par les tanneurs régulièrement accusés de polluer les eaux de la rivière dont ils se servaient afin de rincer les peaux traitées. La pantomime se termine enfin par une plongée dans la fontaine que les faux-Pénitents les plus hardis peuvent accomplir en bravant les températures rigides de l’hiver montagnard.

Les Carêmentrans retournent ensuite se changer, avant de se retrouver autour du repas traditionnel de soupe à l’oignon et tripes, avec un bon verre de vin, ultime pied de nez au Carême censé avoir débuté. « Faux-Pénitents » comme habitants sont très attachés à cette tradition, et tentent d’y amener de jeunes hommes afin de la pérenniser. Au diable les conflits d’hier, seule la moquerie burlesque et la bonne humeur les animent aujourd’hui. Et surtout, le rassemblement, la fête populaire.

Les Carêmentrans , ou « faux-Pénitents », ou simplement « Pénitents », ainsi qu’ils se désignent eux-mêmes, se réunissent une fois par an, peu avant le carnaval. Lors de cette réunion s’organise la procession annuelle dans les rues de Puget-Théniers. Ils discutent du parcours, et de là où se tiendra le repas qui suivra, dans l’un des restaurants du village. Lors de la soirée, alors qu’ils se préparent à aller défiler, chacun est libre de venir participer. Quelques jeunes gens se présentent, désireux de revêtir l’habit parodique et de participer à la procession. Quelques anciens laissent leur place. Les Carêmentrans ne sont jamais plus d’une vingtaine, afin de faciliter le défilé dans les rues étroites. Mais il y a toujours de la place pour de jeunes hommes nouveaux venus ; les faux-Pénitents sont désireux de transmettre et de faire perdurer la tradition.


Historique :

Les origines de la procession des faux-Pénitents sont difficiles à déterminer. Ce que l’on sait, c’est que la parodie des Pénitents est liée à la corporation des tanneurs présente à Puget-Théniers jusqu’au tournant du XXème siècle. Les archives sont peu prolixes à ce sujet, mais on peut avancer l’hypothèse que la procession des faux-Pénitents se développe en réaction à un décret de l’Eglise interdisant aux tanneurs la participation aux réjouissances du Mardi Gras. Ils auraient usés des matières animales à leur disposition pour leur déguisement. Or, l’Eglise interdisait formellement les mascarades zoomorphes. Dévoyant l’humain et rappelant certains rites païens, elles n’étaient pas tolérées par le clergé. Puisqu’on les privait de fête, les tanneurs organiseraient la leur. Et puisqu’on les humiliait ainsi, ils moqueraient l’Eglise. Ainsi naquirent les gestes auxquels on assiste encore aujourd’hui.

L’histoire de ce rite est mouvementée. Les raisons mêmes de sa relative acceptation par le clergé sont troubles. L’ancien diocèse de Glandèves, dont dépendait Puget-Théniers, était à cheval sur deux Etats, la France et la Maison de Savoie. Cela a créé des zones de flou dans l’administration religieuse. A cheval sur le rit romain, qui dicte le calendrier liturgique appliqué en France, et le rit Ambroisien. Dans ce dernier, il est permis de poursuivre les festivités jusqu’au premier dimanche de Carême. Cette incertitude dans le dogme duquel relevait le village a incité l’Eglise à ne pas trop s’effaroucher de cette possible entorse aux règles. Le clergé à l’époque avait un rôle politique important, et veillait à la paix sociale tant que faire se peut. En l’absence de violation manifeste des règles, il était plus sage de laisser à la population cette « soupape » des mécontentements latents.

La situation évolua cependant. En 1905, alors que la région est française depuis à peine plus de quarante ans (1860), est promulguée la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ce dernier, imposant taxes, service militaire, et autres mesures peux populaires, devient le grand ennemi, auquel s’oppose l’Eglise au premier chef. Etre contre le clergé signifiait être du côté de l’Etat. Pour ne pas souffrir de cet amalgame, la procession des faux-Pénitents fut suspendue. D’autant plus que l’Eglise se fit moins conciliante et commença à regarder d’un mauvais œil cette célébration « sacrilège ». La situation se détendra peu à peu et les faux-Pénitents revinrent dans les années 1920. La procession reprit son cours, chaque année, jusqu’en 1932. La situation s’inverse. La montée du Front Populaire s’accompagne d’une défiance du peuple envers les autorités religieuses. C’est à cette époque qu’est introduit l’« Evêque », devenu au fil des années le personnage clé de la mascarade et qui encore aujourd’hui mène la procession. Dans les années 1930, la procession portait l’offense jusque devant les portes de l’église. La volonté était cette fois clairement de s’opposer à la religion. Les tensions montaient entre Eglise et Carêmentrans, mais la Seconde Guerre Mondiale vint y mettre un terme. Les hommes partis au combat, la cérémonie n’eut plus lieu, de fait. Elle reprit après l’armistice. L’heure était à l’apaisement. Ces dures années avaient estompé les envies de conflits et d’oppositions. La fête reprit son aspect burlesque et bon enfant. Bien que le personnage de l’« Evêque » fût conservé, la procession empruntait le trajet qu’elle suit encore aujourd’hui, évitant soigneusement l’église. Les relations avec la religion, sans être simples, furent plus détendues. Elles dépendent davantage des hommes, des curés en place. Certains ignorent simplement la coutume, d’autres l’acceptent. L’un d’eux fit même cadeau d’un costume d’Evêque à la compagnie.


Période création exécution :

Mots-clés :
carêmentrans;
Mots-clés :
pénitents;
Mots-clés :
faux-pénitents;
Mots-clés :
carnaval;
Mots-clés :
Puget-Théniers;
Mots-clés :
fête;
Mots-clés :
folklore;
Mots-clés :
tradition
Modalités de visite :
La procession des faux-Pénitents est visible le jour du Mercredi des Cendres à Puget-Théniers.
Cote :
06099-ARC-00012
Rédacteur :
Chiarini, Silvia, Roudoule, écomusée en terre gavotte
Bibliographie :
Cf : BIB-004004